À nouveau ? De nouveau ?

Ah ! Peux-on utiliser indifféremment à nouveau pour de nouveau et vice versa ? Les deux locutions sont-elles interchangeables ? Ça serait si simple, hein ? Eh bien non ! La grammaire et ses subtilités ont été inventées pour mettre un peu de piment dans nos vies, et le piment, y en a qui aiment et d'autres qui n'aiment pas...

Certes, mais alors ? Quand dire à nouveau, et quand dire de nouveau ? La différence, une fois qu'on la connaît, ne paraît plus si impénétrable que ça, seulement voilà : fallait le savoir !...
À nouveau signifie « une autre fois, d'une manière différente », tandis que de nouveau ne veut rien dire d'autre que « une fois encore, de la même façon » ; ce qui, pour un travail bâclé, peut être ennuyeux...

En toute logique, un récidiviste ira de nouveau en prison (il y retournera), tout comme il vaudra mieux considérer à nouveau ce projet irréalisable.

Vous avez compris, ou je reprends à nouveau mes explications ?



Tout ce qu'il y a de plus...

Tout ce qu'il y a de plus est une locution dite figée (le verbe avoir reste au présent, même si le contexte est passé) signifiant « extrêmement ». L'accord se fait le plus souvent au masculin singulier, bien que l'accord en genre et en nombre soit assez fréquent.



  • Déguisés comme ça, vous serez tout ce qu'il y a de plus voyant.

Tout ce qu'il y a de...

Le verbe ayant pour sujet tout ce qu'il y a de + nom au pluriel se conjugue à la troisième personne du singulier : 
  • Tout ce qu'il y a de chiens dans le quartier vint renifler le poule rôti posé sur le rebord de la fenêtre.

À noter que jusqu'au XIXe siècle, l'accord se faisait au pluriel.


Aux dépens de

Aux dépens de est une locution prépositionnelle ne signifiant rien d'autre que « au détriment de », « aux frais de ». Et dit comme ça, on comprend mieux pourquoi il faut écrire dépens avec un s, comme dans dépense (frais) et non dépend comme l'on voit encore trop souvent...


C'est naze d'écrire nase

En fait, les deux orthographes, nase ou naze, sont possibles. Le mot ne vient pas, comme on le croit souvent, de nez (naseau) mais de nasi qui, dans l'argot du milieu, est un autre nom pour la syphilis (1928) ! Une forme nazi est attestée en 1878 pour désigner une maladie vénérienne. 
On soupçonne nazi d'être une forme altérée de laziloffe (1836, Vidocq), composée de loffe (mauvais, faux) et de lazi, formation largonji (*) de nase (morve en wallon), lui-même emprunté à l'allemand Nase (nez). Comme on s'y retrouve !!!


(*) Le largonji est ce qu'on appelle un argot à clé dont le nom explique le procédé : jargon donne largon suffixé en ji. La première lettre, si elle est une consonne, est remplacée par un l, et l'initiale se déplace en finale pour servir de base à un suffixe (ji pour j, bé pour b, etc.).



Un article des plus intéressants

Avec la locution « des plus » + adjectif venant après un substantif au singulier, la question se pose : faut-il accorder l'adjectif en genre et en nombre ? D'autant que la réponse est oui ! Ce qui donne, par exemple :

  • Cet article sur l'accord avec la locution des plus est des plus pertinents.
  • Une mouche des plus énervantes m'a gâché la nuit à bourdonner sans cesse.

Quel jour sommes-nous ? Soir ou matin ?

Les noms des jours et des mois s'écrivent avec une minuscule... sauf s'il s'agit d'un prénom.

Ils prennent la marque du pluriel :
  • La boulangerie est fermée tous les lundis.
  • Je me souviens de janviers plus frisquets.
Matin et soir restent au singulier quand ils sont apposés à un nom de jour au pluriel :
  • La boulangerie est fermée tous les lundis matin (sous-entendu : au matin)

outre-Atlantique et outre-mer

Outre-Atlantique se compose de outre (préposition signifiant au-delà) et de Atlantique, l'océan séparant les continents européen et nord-américain. Il désigne plus particulièrement les États-Unis et s'écrit outre-Atlantique, sans majuscule à outre (préposition), mais une à Atlantique (nom propre).

Même traitement pour outre-Rhin (Allemagne), outre-Quiévrain (Wallonie), outre-Manche (Grande-Bretagne), ... mais pas outre-mer, sans majuscule à mer (quelle mer ? il ne s'agit pas d'un nom propre).



Pot aux roses et pot-au-feu

Un bon pot-au-feu se déguste avec deux traits d'union, et en un sens vieilli, il peut également s'agit du plat dans lequel a mijoté ce plat.
Le pluriel est des pot-au-feu.

Le pot aux roses est aussi un récipient, et se découvre sans trait d'union. L'origine de l'expression reste incertaine, la plus vraisemblable étant sans doute celle qui la fait remonter au Moyen Âge sous la forme « Car je tantost descouvreroi le pot aux roses », le verbe découvrir ayant alors le sens de soulever le couvercle : le pot aux roses aurait contenu de l'eau de rose, ancêtre volatile du parfum. (Réf. le Dictionnaire de l'académie).

Un va-nu-pieds

Si le mot n'a pas changé de sens depuis qu'il a fait son apparition (en 1639 : personne très pauvre, misérable, vagabond ; personne très sale, déguenillée), il avait une toute autre orthographe : va nuds pieds (nu s'écrivait alors avec le d de nudité).
On trouve encore va Nuds-pieds (avec un trait d'union) en 1646 pour désigner un petit corps d'Armée de rebelles normands.
Et bien qu'une variante ait été proposée en 1990 (un vanupied, des vanupieds), la forme correcte actuelle est un va-nu-pieds (avec deux traits d'union, pas de s à nu mais un à pied).

De gaieté de cœur

Gaieté fait partie de ces mots qui n'ont l'air de rien et pourtant sèment facilement le doute au moment de l'écrire. D'autant que la rue à Paris a conservé la graphie Gaîté (avec un accent circonflexe sur le i), aujourd'hui vieillie (mais encore possible).

De même les adverbes dérivés s'écrivent respectivement gaiement ou gaîment.

Nulle attestation d'un gaité, sans ni e ni î.
C'est donc de gaieté de cœur que les hommes se rendent rue de la Gaîté.


Bâille baye !

Il existe trois manières d'écrire bâiller, bailler ou bayer

Le premier, avec l'accent circonflexe sur le a (et non sur le i) est le plus courant, le plus connu : il signifie ouvrir involontairement la bouche, parce qu'on a faim, parce qu'on a sommeil, parce qu'on s'ennuie ou parce qu'on est fatigué (ce qui donne beaucoup d'occasions de bâiller, vous en conviendrez).
On bâille d'ennui ou de fatigue, comme l'on peut bâiller tout court puisque c'est un verbe intransitif.

Une jupe, un chemisier ou une porte peuvent également bâiller quand ils sont mal joints,  entrouverts ou carrément béants.

En revanche, si c'est une bouche qui bée d'admiration ou d'étonnement, on utilisera alors le verbe bayer, comme dans les expressions consacrées, bayer aux corneilles, aux grues (rêvasser les yeux en l'air), aux chimères, ou aux nuées (désirer des choses impossibles).

Le sens de bayer, intransitif comme son homonyme, s'apparente alors à s'ouvrir (et non être déjà ouvert, comme pour bâiller).

Il y a un troisième bailler, transitif celui-là, dont les différents sens n'ont rien à voir avec les deux premiers : archaïque et idiomatique, il signifie donner (faire don), remettre, livrer, représenter. On baille des fonds comme on baille un coup de main, par exemple ; populaire familier, on la baille belle ou bonne quand on duper une personne en lui faisant miroiter un miroir aux alouettes.



Le pluriel des mots en -ail

Les noms en -ail forment généralement leur pluriel en -ails :
  • un aiguail, des aiguails (régionalisme pour parler de la rosée) ;
  • un attirail, des attirails ;
  • un autorail, des autorails ;
  • un camail, des camails (pièce de mailles portée sous le casque ; petit manteau d'ecclésiastique ; capeline ; chapeau) ;
  • un caravansérail, des caravansérails (vaste enclos entouré de corps de bâtiment où les voyageurs trouvent un abri pour eux et leurs bêtes ; par extension : lieu fréquenté par un grand nombre d'étrangers) ;
  • un chandail, des chandails ;
  • un cocktail, des cocktails ;
  • un contre-rail, des contre-rails (rail placé parallèlement à un autre) ; 
  • un détail, des détails ;
  • un épouvantail, des épouvantails ;
  • un éventail, des éventails ;
  • un foirail, des foirails (champ de foire) ;
  • un gouvernail, des gouvernails ;
  • un harpail, des harpails (troupe de biches ou de jeunes cerfs) ;
  • un mail, des mails (gros marteau en fer) ;
  • un mézail, des mézails (ensemble des trois éléments de la visière d'un casque, comprenant la vue, le nasal et le ventail) ;
  • un monorail, des monorails ;
  • un poitrail, des poitrails ;
  • un rail, des rails ;
  • un sérail, des sérails (palais du sultan et de quelques autres hauts dignitaires) ; 
  • un tramail, des tramails (filet mouillé vertical composé de trois nappes dans lequel les poissons restent prisonniers) ;
  • un trémail, des trémails (autre version de tramail).

Sauf les mots suivants qui font leur pluriel en -aux :
  • un bail, des baux ;
  • un corail, des coraux ;
  • un émail, des émaux ;
  • un fermail, des fermaux (pièce d'orfèvrerie qui sert à fermer un vêtement ou un livre) ;
  • un gemmail, des gemmaux (assemblage ornemental de fragments de verre colorés) ;
  • un soupirail, des soupiraux ; 
  • un travail, des travaux ;
  • un vantail, des vantaux (battant d'une porte ou d'une fenêtre) ;
  • un ventail, des ventaux (partie inférieure du heaume, percée de trous pour permettre de respirer) ;
  • un vitrail, des vitraux.
Ou encore, ces mots qui n'ont pas de pluriel :
  • bercail ;
  • bétail ;
  • entrerail ;
  • surtravail ;
  • télétravail.


À noter que sans-travail ne prend pas la marque du pluriel, tandis que ail a deux pluriels, en ails (en botanique seulement) et aulx, et que frontail  (partie de la têtière du cheval qui passe sur le front) tolère les deux graphies, en -ails ou en -auxdes frontails, des frontaux.


Par acquit de conscience

Acquit ? Eh oui ! C'est bizarre mais c'est comme ça, et ceux qui écriraient par acquis de conscience en pensant bien faire seraient dans l'erreur... ou de fieffés coquins !

Acquis (avec un s) est le participe passé du verbe acquérir et signifie, dans un emploi adjectival, qui appartient à, qui est la propriété de ; qui est entièrement dévoué à ; qui est incontestable. Essayez donc d'appliquer ces différents sens à l'expression, ça ne veut plus rien dire !

Acquit est un substantif masculin et ne signifie rien d'autre que l'action d'acquitter (dans le sens de paiement). 
Outre la locution (vieillie) par acquit de conscience, on le trouve dans :
  • à l'acquit de, en l'acquit de (à la décharge de, pour la libération de) ;
  • par acquit de politesse ;
  • par manière d'acquit...
et quelques autres expressions.

Par acquit de conscience met l'accent sur le manque de conviction de celui qui s'acquitte d'une tâche pour soulager sa conscience d'éventuels scrupules.



Un je-ne-sais-quoi

Depuis 1957, et grâce à Vladimir Jankélévitch (Le je-ne-sais-quoi et le presque-rien), tout le monde sait que je-ne-sais-quoi s'écrit avec trois traits d'union. Toujours ? Non ! Ça serait trop facile !

Un je-ne-sais-quoi (des je-ne-sais-quoi) s'écrit bien avec traits d'union quand il s'agit du substantif masculin invariable, mais il faut orthographier je ne sais quoi quand il s'agit du pronom indéfini :
  • Il y a chez cette fille un je-ne-sais-quoi qui fait se retourner les hommes sur son passage.
  • Il y a dans ma cuisine je ne sais quoi d'immangeable qui fait fuir les invités.



Mettons-nous d'accord : s'en prendre à

S'en prendre à est une locution verbale signifiant attaquer quelqu'un (ou quelque chose) en l'accusant. Évidemment, c'est nettement moins glamour que de se prendre à quelqu'un qui veut dire s'attacher à cette personne....


La construction de cette locution est assez bizarre, associant deux pronoms, se et en, sans réelle fonction syntaxique (autrement dit, ils ne renvoient à rien). Ce qui fait que s'en prendre à se comporte comme un verbe pronominal, avec accord en genre et en nombre du participe passé pris.
  • Ses voisines s'en sont prises à Mamie parce que son chat a mangé leur canari.

    À qui la faute ?

    À qui la faute ? est une formulation interrogative qui, correcte, induirait une réponse qui serait fautive ! car c'est la faute à ne se dit pas... mais se chante :
    « Je suis tombé par terre, c'est la faute à Voltaire
    Le nez dans le ruisseau, c'est la faute à Rousseau »
    Gavroche (Les Misérables, Victor Hugo)


    Il existe — hélas ! — d'autres expressions qui reprennent cette tournure familière (C'est la faute à personne ou C'est la faute à pas de chance). À éviter, donc.
    Tout comme C'est la faute de, guère plus recommandable.

    Alors, que convient-il de dire ?
    Le débat fait rage, faut-il écrire C'est ma faute ou C'est de ma faute ? (si l'on est assez honnête pour se dénoncer). D'aucuns diront que les deux constructions sont possibles privilégiant l'absence de préposition pour un langage plus soutenu.
    Vu plus haut, avec un complément, faute est suivi de la préposition de.


    À noter cependant qu'introduit par un déterminant possessif, faute est suivi de la préposition à pour renforcer ce possessif devant un nom ou un pronom :
    • Est-ce ma faute à moi si je ne résiste pas à l'envie de t'embrasser ?
    • C'est pas sa faute, au chien, s'il bave partout.



    On est d'accord ?

    Alors, accord ou pas, avec le pronom on ? Les deux, mon capitaine !

    Le verbe s'accorde en nombre et en genre quand on a valeur de pronom personnel, en remplacement de je, tu, nous ou vous.
    • On est sorties entre copines.


    Mais quand on ne désigne personne en particulier, il impose les marques du masculin singulier aux adjectifs et participes passés qui s'y rapportent.
    • On est toujours idiot quand on est amoureux.

    Le pluriel de Petit Beurre, c'est pas du gâteau !

    Si l'on trouve parfois la graphie Petit-Beurre (avec trait d'union), la marque déposée en 1886 par la société LU (du nom de Lefèvre-Utile) est Petit Beurre.


    Et si l'on est gourmand et que l'on en grignote plusieurs, on doit écrire des Petits Beurre (avec un s à Petit, mais pas à Beurre).



    Mille-feuille ? Mille-feuilles ? Millefeuille ? ou Millefeuilles ? Mille sabords !!!

    Si l'orthographe de cette délicieuse pâtisserie a longtemps posé problème (un mille-feuille, ou un mille-feuilles ? sous-entendu que s'il y a mille feuilles, la marque du pluriel s'impose dans ce mot composé), la réforme des années 90 vient à point pour une version soudée et donc simplifiée : un millefeuille (sans s) et des millefeuilles (avec s, au pluriel). Facile, non ?

    Malgré tout, les dictionnaires admettant les deux graphies (hors Le bon usage de Grévisse qui, dès 1975 ne connaît que la version soudée), il est très courant et non fautif d'écrire encore un mille-feuille.


    À noter aussi que, au féminin, le mot millefeuille (toujours soudé) désigne une plante que je ne vous recommanderai pas de goûter. 

    S'il ou si il ?

    S'il est évident que « s'il » s'écrit avec l'apostrophe de l'élision dans l'expression s'il vous plaît, certains pensent qu'il convient d'écrire « si il » quand, à l'oral, on insiste par la diérèse (prononciation en deux syllabes distinctes de deux voyelles successives) sur l'hypothèse introduite par si.
    Cependant, à l'écrit, la répétition d'une voyelle est fautive... quoique ! Dans la conjugaison de certains verbes (comme plier), on trouve au subjonctif « que nous pliions, que vous pliiez », mais ça, c'est une autre histoire !